Une fois n’est pas coutume, période de crise oblige, la Française des Jeux vient d’enregistrer une année record. Quel est le profil des 26 millions de Français qui ont tenté de devenir riche ?
26,3 millions. C’est le nombre ahurissant de joueurs recensés par la Française des Jeux pour l’année écoulée. Misant sur un nombre important de tickets à gratter, des chiffres fétiches, des chevaux de courses, des équipes de foot… la crise a épargné la société de distribution de jeux de hasard.
L’an passé, ce sont 10 euros en moyenne que les Français ont dépensé par semaine pour les grattages et les tirages. Soit une hausse de dépense de 70 centimes par rapport à 2014. Les retombées pour l’entreprise de jeu sont considérables : le chiffre d’affaire a augmenté de 5,4 % soit 13,7 milliards d’euros… Et ce sont 9 milliards d’euros qui sont tombés dans les poches des joueurs chanceux ! Pas étonnant qu’un tel engouement soit observé en temps de crise où le jeu devient un moyen de gagner de l’argent plus qu’un loisir. C’est que le sociologue Jean-Pierre Martignoni, spécialiste de ce domaine, appelle la « théorie de la pauvreté » : plus on est « pauvre », plus on joue.
QUEL EST LE PROFIL DES JOUEURS ?
En France, les jeux de la FDJ et du PMU concentrent 71 % de l’activité. Se positionnant ainsi très loin devant les casinos, 24 %, et les jeux en ligne, 5 %, hors ceux de la FDJ et du PMU. Mais le dada des français c’est de gratter. Tout y passe : les Cash, Millionnaire, Astro, BlackJack et compagnie rassemblent 46 % des ventes de la FDJ qui en a vendu plus de 2 milliards l’an dernier marquant ainsi une progression de 10 %. Les Français grattent en moyenne chaque semaine pour 6,5 € de tickets, contre 3,5 € pour les jeux de tirage (Loto, Euromillions, Keno, Joker+… 37 % des ventes de la FDJ) qui baissent, eux, de 2,7 %.
Dans notre pays où 75 % de la population a déjà joué au moins une fois dans sa vie au jeu de hasard, les chercheurs de l’Observatoire des Jeux, note que cette augmentation « concerne tous les milieux sociaux », est « générale et assez homogène », même si elle est « un peu plus importante parmi les femmes (+11%) et les personnes les plus jeunes et les plus âgées (+12,4% pour les 15-17 ans, +11,5% pour les 45-75 ans) ». Si les hommes âgés de 25 à 54 ans, actifs, sont les plus friands de jeux, l’ODJ note que ceux-ci sont des ouvriers ou des employés plus que des cadres ou des professions intellectuelles supérieures. « Les joueurs ont un niveau d’éducation un peu moins élevé que celui des non joueurs », conclut l’étude.
Concernant les types de jeux : 54,9 % des joueurs de jeux de grattage sont des femmes ; 26,5 % des parieurs sportifs sont des étudiants ; les chefs d’entreprise sont plus adeptes au jeux de casino.
GARE AUX ADDICTIONS !
« Une large majorité des personnes pratiquant des jeux d’argent et de hasard le font de manière occasionnelle (la moitié joue seulement une à quinze fois par an) », voilà ce que dit l’étude de l’ODJ mais attention, la pratique à risques est en progression. Le nombre de joueurs excessifs – environ 200 000 personnes – reste stable.
Pourtant, « des comportements à risques modérés, de ceux qui ne sont pas encore dans l’addiction, mais pourraient être le coeur de cible des campagnes de prévention, lui, a nettement augmenté par rapport à 2010, avec un million de personnes », analyse Jean-Michel Costes de l’ODJ. Celui-ci poursuit : « Dans le cas des joueurs problématiques, il s’agit plus souvent d’hommes, plus jeunes que l’ensemble des joueurs, de milieux sociaux plus modestes et moins diplômés ». Nouvelle inquiétude pour l’Observatoire : le jeu des mineurs, malgré l’interdiction par la loi. « Près d’un jeune sur trois joue à des jeux d’argent.
On voit bien que l’interdiction n’est pas effective », ajoute l’expert, avant de conclure : « c’est là qu’il faut renforcer le dispositif : pour que les joueurs problématiques modérés ne basculent pas dans l’addiction ». Pari à tenir.